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A board. Comme le tableau. Prof. Enfin voilà quoi.
(Bannière : Création/dessin d'Anne Montel, parce que c'est bô)

" Et parfois je m'extasie sur la grandeur des petits. "

jeudi 3 novembre 2016

#dailyprof, jour 36 : retour de vacances & lecture à haute voix.

J'abrègerai les petites larmoyances liées au retour de vacances et aux petits mots gentils, mais c'est encore un peu l'hystérie de reprendre et de retrouver mes tronches de cakes. Voilà. Mais du coup, dans ces journées où on travaille beaucoup et très bien, y'a souvent des petits questionnements qui émergent. Voici plutôt.

Contexte : Nous lisons actuellement un album/petit roman adapté à l'âge de mes élèves, soit 7-8 ans. Dans cette histoire, un petit garçon réclame à tous les membres de sa famille la lecture à voix haute d'une histoire. Chaque personnage refuse car il a sa propre bonne raison : du ménage à faire, du travail à terminer, un film à regarder, etc. Le gamin se retrouve allongé sur le sol de sa chambre avec son lapin et son poisson rouge, déçu que personne n'accepte jamais de prendre un instant pour lui lire une histoire. 

Suite à la première scène de refus collectif, nous avons lu ensemble des questions et les élèves ont dû y répondre. Le questionnaire demandait notamment aux enfants d'entourer les termes qui décrivaient le mieux le petit du livre. De mémoire, nous avions le choix entre : solitaire - joyeux - déçu - choyé - délaissé - aventureux - fainéant - triste - casse-pieds, et peut-être un ou deux autres. 

Dans ma tête, il était évident que - après avoir évidemment expliqué le sens de tous ces termes, car on n'y pas pas à l'aveugle quand même - la majorité des élèves allaient constater la déception du petit garçon, et voir qu'il se sentait un peu livré à lui-même. Bon, c'est peut-être mon habitus d'enfant à qui on a lu des histoires tous les soirs qui a parlé. Plus de la moitié de ma classe a entouré les termes "solitaire", "fainéant" et "casse-pieds". Wait... what ?

Voici leurs explications, qui font que je n'ai pas pu compter ces réponses "faux", puisqu'elles sont tangibles et répondent à leur propre logique : 

Fainéant... " parce qu'il pourrait lire son histoire tout seul quand même! "
Casse-pieds... " car il embête tout le monde à demander de lire une histoire."
Solitaire... " parce qu'il aime bien rester tout seul."
Fainéant... " parce qu'il fait pas d'effort, il sait lire."
Casse-pieds... "parce qu'il fait la tête alors que ses parents ils ont pas le temps."



Alors je sais pas pour vous, mais pour moi c'est assez symptomatique. J'entends constamment mes collègues dire que les parents "n'ont plus le temps", "sont débordés", "ne s'en sortent plus" et que les enfants "ne tiennent plus en place", "ne respectent plus l'autorité"*, etc. Je vois (j'observe) l'état d'hypnose dans lequel sont mes élèves lorsque je leur fais une lecture à voix haute. Et là, je viens de combiner les deux, je crois qu'une connexion de synapses a eu lieu.

Est-ce qu'à se nourrir de plats tout prêts, on en oublierait pas comment cuisiner?
Et pourtant, je suis une bonne grosse nerd qui aime les écrans, l'internet, les films et les (super-)héros, et j'encourage toutes les générations à découvrir tout ça, et à jouer. Mais j'en reviens encore à ce fichu mémoire, et je me dis qu'il faudrait quand même donner de la nourriture à ces petits cerveaux. Parce qu'ils y tiennent, à leur petit rituel de lecture le midi. Et s'il y en avait un le soir, je pense qu'il ne serait pas de refus. 

" Mais la lecture à haute voix, c'est aussi un plat tout prêt, non?"

Alors, oui mais non. Certes, nous tendons l'histoire sur un plateau. Mais on est sur un plan radicalement différent. Un enfant qui lit est à 80% dans la lecture pure, c'est à dire le décodage, il "défait les lacets" pour obtenir une suite logique dans sa tête, et 20% dans l'imagination. Un enfant à qui on lit n'a pas à fournir ce travail de décodage (qu'il fournit soit dit en passant à chaque instant à partir du moment où il combine les sons), et cette lecture est donc à 90% dédiées à l'imagination, à la compréhension et à la conceptualisation (j'accorde les 10% restants au sommeil et au temps avec le lecteur). Du coup, non, ce n'est pas un plat tout prêt, très loin de là. 

* Petite question qui concerne l'autorité... Quelle serait l'importance de l'implication relationnelle dans la création de l'autorité? Je me demande si, en lien avec cette histoire d'instants de lecture, l'autorité ne découlerait pas aussi de cette possibilité d'accorder des instants rituels. Ou de la mise en œuvre de possibilités d'accorder ces instants. Mh, en fait, non, je ne me le demande pas, j'ai ma réponse. 



La bise.

1 commentaire:

Lexxie a dit…

Amen. L'album/le livre est un super super important dans mes rééducs et je suis complètement d'accord avec toi. Je vois l'influence des écrans, le manque de temps des parents, et sans jugement aucun, je peux comprendre que ça ne soit pas toujours facile, mais effectivement on peut observer les conséquences sur les enfants.