Nous atteignons quasiment une demi-année (oh, wait, en fait, ça y est, on a dépassé la demi-année), et je n'ai posté ici qu'un court article concernant le début de cette année remuante en classe "spéciale". Et en cinq mois, il peut se passer un sacré paquet de choses.
Nous partageons énormément de choses, avec ma classe. Notamment nos muqueuses.
Comme le sait la plupart des habitants de l'Ouest de la France, l'hiver n'a pas été des plus agréables et lumineux dans cette partie de l'hexagone. L'épisode de grippe se termine, nous profitons désormais de l'épisode des gastro. J'étais déjà ravie de partager quatre jours sur sept le contenu du nez de B., je peux maintenant profiter du contenu de l'estomac de certains élèves. C'est une étape que je n'avais pas franchie depuis mon année de stage il y a 4 ans, proche du rite initiatique. La première fois, on m'a vomi sur les pieds (nus). Avant-hier, on m'a repeint le mollet. Bientôt le décolleté, j'ai hâte.
Et alors, comment on fait, avec des enfants en situation de handicap?
#Lepointdico Google me propose deux définitions au mot "handicap" :
- 1.Course de chevaux ou épreuve sportive où l'on impose aux meilleurs concurrents certains désavantages au départ afin d'équilibrer les chances de succès.
- 2.Déficience physique ou mentale, congénitale ou acquise
La M.D.A (Maison Départementale de l'Autonomie) me propose la suivante :
" Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. "
La course de chevaux, c'est rigolo, mais honnêtement, la réalité est plus proche de la 3ème définition.
#Findupointdico
On fait, avec des élèves en situation de handicap, comme on fait dans les classes dites "normales" avec les élèves dits "en difficulté". Sur 102 jours, je compte peut-être 5 ou 6 heures de travail fait collectivement, et le reste fait avec des groupes de 4 ou 5 élèves maximum.
Avec une classe spécialisée, on apprend l'art de l'emploi du temps. On apprend à combiner l'emploi du temps de chaque enfant selon ses prises en charge (orthophoniste, psychologue, psychomotricien, thanatopracteur, etc), ses temps d'inclusion (temps de travail dans les autres classes en fonction de l'âge et des compétences à travailler), et les temps où il doit être avec moi pour avancer dans ses apprentissages. Le tout, multiplié par douze, soient une petite cinquantaine de données à traiter dans un petit emploi du temps. Je deviens une machine. Et après 102 jours, je commence à voir un peu plus clair dans cette gestion des temps de travail. Sans préciser qu'il faut cela soit optimal pour chaque élève. Ça aura coûté une journée d'hospitalisation à la sécu ces conneries, mais bon, ça valait le coup. Ou le coût. Bref.
Mes élèves en situation de handicap n'ont pas de fauteuil, pas d'implants cochléaires ni de canne d'aveugle. Ils ne bavent pas (quoique, certains...cf Les muqueuses). Mes élèves en situation de handicap sont bizarres.
#Lepointdico2
Si on en croit Google, bizarre signifie :
- 1.Qui est inhabituel, qu'on s'explique mal.
Il a des idées bizarres.
synonymes : curieux, insolite, saugrenu, zarbi - 2.(personnes)D'un caractère difficile à comprendre, fantasque.
Il, elle est un peu bizarre.
#Findupointdico2
Qu'on s'explique mal donc, qui est inhabituel. D'un caractère difficile à comprendre. Mes élèves ne parviennent parfois pas à tracer un 2 de haut en bas de gauche à droite, ni à me dire que B + I = Bi et que T + E = te (hihi). Pour eux, le chemin de l'implicite et du second degré est sinueux, casse-gueule même, voire inexistant. Mais cet élève, repère l'inhabituel quand je lui raconte que je mange du fromage le matin, il est subjugué même. Et il traverse la cour sous la flotte pour m'aider à porter un carton plus lourd que moi, en ajoutant un "C'est trop lourd pour toi maîtresse". Avec lui, l'auteur de Mon Copain des Fermes aurait eu l'air bien con, car on tient un challenger de la spécialité.
Un autre élève, K. (Kalypso, bien entendu), est arrivé en septembre sans savoir lire. Il est totalement obnubilé (ça, d'ailleurs ça veut dire "couvrir le ciel de nuages", ça rend les obsessions jolies) par ce qui ressemble de près ou de loin à un félin, mais a un vocabulaire aussi précis qu'un jeune collégien. Ce ne sont que des exemples, bien entendu.
En réalité, l'enseignement au sein de ce genre de dispositif, c'est surtout envoyer balader les instructions officielles en termes de programmes (évidemment, en gardant l'éthique, on n'a pas encore réussi à inclure le strip-tease au sein des apprentissages), et juste de suivre un programme logique pour chaque élève. Chaque élève a son point A, son point B, sa propre échelle. Ils ne sont pas 28 à tenter de grimper à une seule même échelle normée, avec des conditions physiques plus qu'individuelles. Cette remontée d'échelle n'est pas chronométrée, tant que durant ces quelques années, quelques barreaux ont été dépassés. On a tout de même entre les mains l'avenir d'enfants en marge, pour éviter qu'ils ne le restent trop.
Chaque élève a, dans l'année un temps de réunion pour faire le point sur sa scolarité, pour vérifier que le dispositif convient à ses besoins. A quel moment ne fixons-nous pas ça pour chaque élève? Et si on inversait les principes de classe spéciale contre ceux de classe normale? Pas assez de moyens, pas assez de personnels, trop de flemme ? Les trois ? Pas assez rentable ?
Les solutions sont simples. Allez, je retourne avec mes handicapables.
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