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A board. Comme le tableau. Prof. Enfin voilà quoi.
(Bannière : Création/dessin d'Anne Montel, parce que c'est bô)

" Et parfois je m'extasie sur la grandeur des petits. "

jeudi 19 mai 2016

I need to talk to you about someone.

Il y a tout de même quelque chose que je ne peux pas passer sous silence, et qui restera de cette deuxième année. Ce quelque chose a deux prénoms, quatre bras, quatre jambes, et est haut comme trois pommes (et demi). 

Toujours dans cette nécessité de l'anonymat, je les appellerai Tic et Tac. Soyons foufous. En même temps, ils ne sont pas beaucoup plus hauts que des écureuils de Hyde Park. 

Je suis arrivée en début d'année en recevant d'emblée les étiquettes des élèves : "limitée", "enfant difficile", "tu verras lui il est chiant", et j'en passe. Pour Tic et Tac, ils étaient "épuisants, ne respectaient aucune règle, niveau scolaire très bas, rien n'est fait dans la famille...". (Famille qui en a aussi pris pour son grade mais pour le coup, il n'est pas de mon ressort d'exprimer un quelconque jugement. Même si comme tout bon humain, je n'en pense parfois pas moins, coucou les réflexes de jugements qui auto-rassurent.)

BON OKAY ILS ONT ÉTÉ ÉPUISANTS. MAIS PAS QUE. Merde. 

De l'avis de certains collègues, "On n'est pas là pour les aimer.". C'est une notion qui m'échappe un peu, mais soit. Dans mon propre fonctionnement, je tâche de former une équipe avec mes élèves. Je suis là pour les accompagner, on apprend à se connaître, à s'apprivoiser, c'est cet "habitus" sur lequel j'ai bossé en rédigeant mon mémoire. Et il se trouve que je vais bientôt terminer ma deuxième année et que je fais déjà un constat : je quitte mes classes avec un profond attachement envers mes élèves. Tous. Même les plus discrets. 

Bref, revenons à Tic et Tac. 

Je les ai découverts en septembre. J'ai tout de suite comparé (oui, forcément) à mes anciens élèves et ils m'ont semblé tout à fait sages. Puis sont venues les (longues) semaines de test quotidien. Ce ne sont pas des "méchants" (si tant est qu'un élève puisse être méchant), ce ne sont pas des élèves qui sont dans le désir de faire mal, d'embêter. J'ai compris que pour Tic, l'agressivité était le moyen de communication familial, et que Tac était totalement livré à lui-même et à ses carences affectives. J'ai pourtant pu discuter avec des parents aimants et désireux de bien faire, pour l'un comme pour l'autre. Comme qui dirait, c'est la vie qui les a un peu mis là, quoi. 

Mais restent ces difficultés : ils ne tiennent pas en place. Ils cherchent le conflit. Ils manquent concrètement de repères (quel jour sommes-nous? c'est l'heure de la cantine?). Tic est déconnecté de tout pragmatisme, Tac est tout plein de colère. Mais TOUT est fait pour que cela aille mieux. Nous avons mis en place des réunions, des interventions diverses, et c'est ce qui aide à tenir le coup : des choses sont faites. 

Et maintenant, il me semble important de dire aussi ce qui n'a PAS été difficile avec eux. 

- La fierté dans les yeux de chacun quand je les félicite pour un progrès même minime. 
- Le sourire de Tic quand il me voit arriver le jeudi depuis que je suis à mi-temps.
- Le regard de Tac qui est inquiet et vient me poser des questions pour être rassuré. 
- Leurs talents pour tout ce qui est "anti-scolaire" : le dessin, la culture, la finesse d'esprit, les jeux de mots, l'humour, l'affect. 
- Le désir de Tac de tout BIEN FAIRE, d'aider, de ranger, de remettre en place les objets physiques pour pallier au bordel qui envahit son mental. 
- Leur envie à tous les deux de faire plaisir. De réussir. De tenter. De se relever.  
- Les blagues qu'ils ont su réceptionner du haut de leurs 7 ans. 
- Leur absence totale de rancoeur quand j'étais fatiguée et totalement impatiente et que je les remettais dans leur case de "relou" connue jusqu'aux angles.
- Cette façon qu'à Tic d'être complètement dans sa bulle, et de ne jamais comprendre où est le problème (j'ai eu beau le gronder, j'ai très souvent eu envie de rire). Et de parler avec un langage plus développé que l'ensemble de ses camarades réunis.
- Cette tête lourde qui se pose sur mon épaule quand l'un s'endort dans le car. 
- Cette confiance inébranlable dans leurs yeux. 

Ils m'auront épuisée. Mais au vu et au su des progrès qu'ils ont chacun fait, j'aurai au moins la fierté de les avoir globalement ôtés de leur case le temps d'une année. Je n'aurai aucun poids sur les années à venir, mais j'espère qu'ils s'en sortiront car ce sont deux enfants brillants. Ils ne sont juste pas scolaires. Et dans ces cas-là, il faut juste tâcher de rendre leurs journées moins longues. 



TO MY FUTURE-SELF :

- J'espère que tu as réussi à ne jamais tenir compte des boîtes dans lesquelles on range les élèves d'une année sur l'autre. C'est l'un des actes les plus nocifs qui soient. Et qui les suivra jusque tard. And you know what i mean. 


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